3 questions à Daniel Annequin à propos des Recommandations de l'AFSSAPS

L’AFSSAPS* a émis des recommandations de bonne pratique pour la prise en charge médicamenteuse de la douleur aiguë et chronique chez l’enfant (en milieu hospitalier et pour des situations particulières en ville). Daniel Annequin** a présidé le groupe pluridisciplinaire d’experts qui vient d’élaborer ces recommandations.

Quoi de neuf par rapport aux recommandations de l’ANAES*** de 2000 ?

Ces recommandations de bonne pratique s’appuient sur une analyse rigoureuse et exhaustive de la littérature depuis 2000 : plus de 700 références ont été initialement sélectionnées, 327 ont été utilisées pour le document final. Des professionnels de terrain ont travaillé à la mise au point et à la relecture de ces recommandations. La rigueur méthodologique et l’ampleur de ce travail en font une référence opposable qui devrait pouvoir aider les professionnels, voire les familles, à infléchir positivement les pratiques antalgiques pédiatriques.

Voici quelques messages essentiels :

  • La douleur provoquée (soins, actes, chirurgie, explorations…) est fréquente chez l’enfant et doit donner lieu à une prise en charge efficace. Faute de couverture antalgique efficace, l’enfant est immobilisé de force, ce qui peut créer chez certains, un traumatisme psychique et générer des comportements phobiques, avec pour conséquence, retards et difficultés pour accéder aux soins.
  • Jusqu’à l’âge de 4 mois, l’utilisation systématique des solutions sucrées (1 à 2 ml de glucosé 30 %) associée à la succion est recommandée pour diminuer la douleur des piqûres.
  • L’application d’une crème anesthésiante pendant au moins 60 minutes est recommandée pour les effractions cutanées (prélèvement sanguin, ponction lombaire…)
  • Le Mélange oxygène - protoxyde d’azote (MEOPA) est le produit de référence pour les actes et les soins douloureux chez l’enfant car il possède une rapidité et réversibilité d’action sans pareil avec un excellent profil « bénéfice/risque » ; ses effets antalgiques et anxiolytiques se renforcent mutuellement. Toutefois, son efficacité ne permet pas de couvrir tous les actes et soins douloureux.
  • Lorsque le MEOPA est inefficace, la kétamine IV à faible dose apparaît le seul médicament utilisable par un médecin non anesthésiste mais possédant des compétences spécifiques.
  • Pour la douleur postopératoire, l’analgésie locorégionale (blocs périphériques, infiltration cicatricielle…) doit être privilégiée.
  • Pour les médicaments, le paracétamol mal absorbé par voie rectale doit être évité au profit de la voie orale. Le passage à un antalgique de niveau supérieur dans l'ordre 1, 2 ,3 (selon les paliers de l'OMS) n'est pas systématique : certaines douleurs chroniques non cancéreuses ne justifient pas l'accès au niveau 3 alors qu'une douleur aiguë nécessite dans certains cas (traumatologie) le choix d'emblée du niveau 3.
  • La migraine est très fréquente chez l’enfant (5 à 10 % des enfants présentent d’authentiques crises migraineuses). Le traitement de la crise doit être donné précocement. L’ibuprofène 10 mg/kg est recommandé car son efficacité est supérieure à celle du paracétamol. En cas de vomissements, le diclofenac rectal ou le sumatriptan nasal (à partir de 12 ans) doivent être utilisés. On ne doit pas donner d’opioïdes (faibles et forts) en traitement de crise.
    En traitement de fond, aucun médicament ne peut être recommandé en revanche l’apprentissage des méthodes psycho corporelles (relaxation, auto-hypnose…) peut être recommandé.
  • Pour l'amygdalectomie, la morphine doit être utilisée en salle de réveil. Au domicile paracétamol et opioïdes faibles doivent être donnés systématiquement pendant plusieurs jours.

Les médicaments c’est important, mais les autres moyens sont-ils valorisés ?

Même si la demande initiale ne concernait que les médicaments (l’objet de l’AFSSAPS étant uniquement l’utilisation des médicaments) nous avons souligné l'importance des moyens non médicamenteux qui peuvent contribuer à soulager l'enfant car l'anxiété majore sa douleur : c'est-à-dire l’information, la préparation de l'enfant et de sa famille, le détournement de l'attention, la distraction...

En outre, la qualité relationnelle entre patients et soignants contribue au succès des stratégies antalgiques et le rôle que les parents ont à jouer est important. Enfin, une réflexion sur l'organisation des soins est fondamentale pour obtenir un contrôle optimal de la douleur : réduire la fréquence de certains examens systématiques ou de certaines pratiques (diminution des bilans sanguins ou des adhésifs par exemple), utiliser des moyens alternatifs non invasifs, anticiper la mise en place de protocoles.

Les traitements non pharmacologiques sont très souvent complémentaires et peuvent parfois être plus efficaces que les stratégies médicamenteuses… Ils n’ont donc pas été oubliés dans ces recommandations !

Comment faire pour que ces recommandations soient appliquées ?

Tout d’abord il faut les faire connaître ! Et le rôle de SPARADRAP est essentiel comme relais de diffusion pour toucher les professionnels qui ont souvent du mal à trier la masse des informations qu’ils reçoivent quotidiennement.
Il faut les inciter à lire ces 13 pages de synthèse qui leur fournissent des repères simples pour améliorer leur pratique.

Ce texte peut aussi être utile aux parents et en particulier la première page, qui présente les messages essentiels.

Ces nouvelles recommandations représentent une pièce maitresse du puzzle qui permet petit à petit d’ancrer dans le bon sens les avancées de la prise en charge de la douleur des enfants au même titre que l’information des familles, la formation initiale, la formation continue, l’évaluation des pratiques professionnelles, la mise place de protocoles et d’audit. A chacun de s’en servir.

Consulter les recommandations :

Recommandations de l'AFSSAPS (.pdf - 164 Ko)
Recommandations de l'ANAES (lien vers le site de la Haute Autorité en Santé)
 


* AFSSAPS : l’Agence Française de Sécurité Sanitaire des Produits de Santé est un établissement public chargé d’évaluer les bénéficies et les risques liés à l’usage des produits de santé.
** Daniel ANNEQUIN est anesthésiste pédiatrique, psychiatre, responsable de l’Unité douleur de l’hôpital d’enfants Armand Trousseau à Paris et président de l’association PEDIADOL. Il est aussi un des membres fondateurs de l’association SPARADRAP.
***ANAES : Agence Nationale d’Accréditation et d’Évaluation en Santé, devenue la Haute Autorité de Santé (HAS)


Publié en octobre 2009